Les régions et l'Europe


Les Etats, qui ne peuvent vivre en autarcie, doivent permettre aux acteurs économiques de coopérer au-delà des frontières. La souveraineté nationale dans le domaine économique est réduite à peau de chagrin. Les économies sont interdépendantes, les marchés sont internationaux et les entreprises sont mobiles. Aussi, forte de son marché de plus de 500 millions de consommateurs, l’Union européenne se trouve en position de force pour négocier à l’échelle mondiale, bien plus que n’importe quel Etat membre. D’ailleurs, selon l’OMC, l’Union européenne est à la fois le premier exportateur et le premier importateur mondial. Mais elle échange essentiellement avec ses membres. Toute mesure protectionniste de l’Europe à l’égard du reste du monde semblerait donc inutile.

 

Face à l’internationalisation des échanges et des technologies, les collectivités territoriales doivent s’adapter.

 

Les coopérations interrégionales, nationales et transnationales constituent ainsi autant d’opportunités pour les collectivités territoriales. Plusieurs espaces transnationaux ont ainsi vu le jour : l’Arc atlantique, l’Arc méditerranéen, la Mer Baltique, la Mer du Nord, l’Arc alpin (du Sud de l’Allemagne en Italie, en passant par la région française Rhône-Alpes), l’espace Adriatique-Balkans, l’axe lotharingien (dans le triangle d’or Stuttgart-Hambourg-Lille). Ces espaces se distinguent soit par leur puissance économique, soit par leur grande solidarité, liée souvent à leur situation géographique.

 

Les collectivités territoriales doivent faire face à une concurrence de plus en plus forte et lointaine. Si elles doivent s’appuyer sur leurs entreprises pour se développer, la réciproque est également vraie. Elles connaissent les mêmes conditions de développement que les entreprises et sont contraintes d’une part d’attirer les investisseurs et les acteurs économiques, d’autre part de fournir à ces derniers les moyens favorables à leur développement.

 

Au regard de cette mondialisation qui dépasse et s’impose de toute manière aux Etats, l’Union européenne représente une réponse appropriée et doit même constituer un modèle, une alternative par rapport à ce qui ce qui existe aujourd’hui.

 

Les politiques d’aménagement du territoire ont aussi dû être repensées. L’efficacité de l’aménagement du territoire est conditionnée par l’équilibre des régions afin de permettre d’abord une meilleure concurrence intra-européenne, ensuite une plus grande compétitivité mondiale.

 

Ainsi, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la régionalisation des Etats européens s’est progressivement imposée dans l’ensemble de l’Union européenne.

 

Puis un nouveau souffle a été donné au régionalisme dans l’Europe des années 80 et 90 par la restructuration économique, la transformation de l’Etat, la mondialisation et l’intégration européenne. En effet, la suppression des frontières entre les Etats membres a permis le développement des relations interrégionales et a donc renforcé la régionalisation. Et les différences existantes, selon les ordres juridiques nationaux, entre les collectivités régionales n’ont pas fait obstacle à leur émergence dans l’ensemble de l’Union européenne.

 

Les régions, les associations interrégionales et le Conseil de l’Europe ont encouragé cet essor. L’Union européenne, à travers sa politique régionale, a également favorisé la régionalisation de l’Europe ainsi que le développement des coopérations interrégionales. La lutte contre les disparités régionales et la recherche de l’équilibre au sein de l’Union européenne ont amené les Etats membres et la Communauté à reconnaître le rôle mené par les collectivités territoriales en matière de développement économique et social, et l’importance de la coopération interrégionale.

 

En France, les lois de décentralisation ont permis aux collectivités territoriales de s’impliquer entièrement et solidairement dans le développement économique. L’Etat a cessé d’être le seul à intervenir sur la scène économique tout en conservant un rôle important par sa volonté de déconcentration, notamment aux moyens de nouvelles compétences économiques dévolues aux préfets.

 

La régionalisation des Etats membres et le développement de la coopération transfrontalière, dans tous les domaines, ont démontré le rôle majeur joué par les collectivités territoriales en matière de développement et d’aménagement du territoire.

 

L’action extérieure des collectivités territoriales joue donc un rôle important pour enrayer les déséquilibres interrégionaux et les processus de périphérie.

 

Comme d’autres auteurs, nous devons considérer que les collectivités territoriales sont des réalités vivantes, des espaces d’activités et de participation qui s’épanouissent à l’intérieur des Etats et s’insèrent dans le complexe européen.

 

L’émergence des collectivités territoriales, et tout particulièrement des régions, s’est accompagnée de leur nécessaire adaptation aux conditions de développement imposées par l’Union européenne qui tiennent à la fois à des impératifs liés à son évolution, notamment son élargissement et la monnaie unique, à ses règles de concurrence, favorisant à leur tour les rapprochement interrégionaux, à ses politiques communes, qui s’imposent aux Etats membres et par conséquent aux collectivités territoriales. En outre, les collectivités locales doivent respecter l’ordre juridique communautaire qui s’intègre dans celui de chacun des Etats membres.

 

Dès lors, les collectivités territoriales sont devenues des sujets du droit communautaires et leurs relations avec l’Union européenne se sont développées, d’autant plus qu’elles font déjà l’objet d’une politique communautaire.

 

Concernant la monnaie unique, les régions ne peuvent plus bénéficier des politiques monétaires et budgétaires nationales. Il s’agit donc pour elles de mettre en œuvre des moyens autonomes de développement qui ne dépendent pas des Etats. La coopération interrégionale constitue ainsi une solution.

 

Il était prévu que la monnaie unique favorise des taux d’intérêt stables, encourage la mobilité des personnes, des marchandises, des services ainsi que les investissements. Les collectivités territoriales devaient bénéficier de la stabilité des prix et des taux d’intérêt pour concevoir des projets de développement et de coopération. La baisse des coûts de transaction devait favoriser la spécialisation régionale, les échanges intracommunautaires et donc la croissance économique de l’Union. Et aux régions défavorisées de connaître une croissance, par l’intermédiaire des investissements nationaux et étrangers.

 

Nous savons que tout ne s’est pas passé de cette manière alors pourtant que les collectivités territoriales doivent faire face à une décentralisation toujours plus importante touchant aux infrastructures, aux hôpitaux, aux services sociaux, à l’eau, à l’énergie…

 

De même, les politiques communautaires élaborées par la Communauté influencent de manière importante l’organisation des collectivités territoriales. En effet, ces politiques entrent le plus souvent dans le champ des compétences de ces dernières, qui sont tenues de les prendre considération puisque les dispositions communautaires s’intègrent dans les ordres juridiques nationaux.

 
Il en va ainsi, par exemple, de la politique de l’environnement, de la politique agricole commune et de la pêche, de la politique des transports.

 
Les collectivités territoriales doivent également respecter les règles édictées par l’Union, par exemple en matière de concurrence. Les collectivités territoriales sont concernées en premier lieu avec les marchés publics, qui constituent un instrument privilégié d’intervention dans la vie économique et sociale. Les collectivités sont aussi tenues de respecter les règles communautaires concernant les aides qu’elles octroient afin de ne pas fausser la concurrence. Les collectivités sont par ailleurs dans l’obligation de ne pas contrevenir à la liberté d’établissement et de prestation de services ainsi qu’à la liberté d’accès aux emplois de la fonction publique.
 

L’essor des régions s’est traduit d’une part par la régionalisation progressive des Etats membres depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est à dire par la reconnaissance ou la création de collectivités régionales, par exemple en France et en Espagne, d’autre part, au niveau européen, par l’émergence d’un certain nombre d’organes de représentation des collectivités territoriales, notamment au sein du Conseil de l’Europe.

 

L’Union européenne a suivi cette évolution et le Traité de Maastricht a consacré cette reconnaissance avec la création du Comité des régions. Le Comité des régions est appelé à évoluer si l’on respecte le traité qui prévoit que « les décisions sont prises le pus près possible des citoyens ».

 

Le constat selon lequel les collectivités sont à la fois objet (à travers la politique régionale de l’Union européenne) et sujets du droit communautaire (dans la mesure où elles doivent respecter les règles communautaires), implique la question de savoir quelles sont les compétences de celles-ci dans le cadre de l’élaboration des normes communautaires, à la fois au sein de chaque Etat et au niveau communautaire. Et il faut bien reconnaître que leur faible implication permet de comprendre la raison pour laquelle elles ont décidé de nouer des relations directes avec les institutions communautaires. Ces rapports se sont établis soit de manière individuelle, soit collectivement sous la forme d’associations, à l’échelle interrégionale et européenne. Ainsi le Conseil des communes et des régions d’Europe (CCRE) est une fédération d’associations nationales qui défend les intérêts des collectivités territoriales et veille à leur meilleure intégration dans l’Union.

 

Depuis 1985, les régions disposent d’une structure spécifique, l’Assemblée des régions d’Europe (ARE), destinée à répondre à la nécessité d’une organisation régionale européenne.

 

Bien que la Communauté prenne davantage en considération la situation des régions, les Traités ne prévoient pas la participation de ces dernières à l’élaboration du droit communautaire. En fait, chaque Etat organise la participation de ses collectivités territoriales selon son propre système juridique interne et conserve ainsi l’ensemble des compétences en la matière au niveau communautaire.

 

Cependant, il est indispensable que les citoyens aient facilement accès et comprennent dans leur quotidien les décisions communautaires.

 

Le Parlement européen a toujours suscité de l’intérêt au sujet des questions régionales. Certains ont même assimilé cette institution à une chambre des peuples. C’est peut-être pour cette raison que le Parlement européen, bien que défendant la thèse de la création d’une représentation des régions au sein des institutions communautaires, pouvait paraître peu enclin à coexister avec un tel organe dans le cadre d’une assemblée bicamérale. Toutefois, par les résolutions qu’il a prises, on constate que le Parlement européen est favorable à la régionalisation des Etats membres, à la prise en compte des régions dans l’ensemble des politiques communautaires, à leur consultation et à leur représentation institutionnelle au sein de la Communauté.

 

C’est ainsi que le Comité des régions a vu le jour. Si les Länder allemands jugent cette création trop timide, puisque le Comité des régions conserve un caractère consultatif, certains Etats préféraient la création d’une section supplémentaire, chargée de la représentation des régions, au Comité économique et social. Un compromis fut trouvé et un organe spécifique, distinct du CES mais dont le statut a été calqué sur ce dernier, à donc été créé. Il revient au Comité des régions de s’imposer au sein des institutions communautaires puisque sa création n’a pas été prévue dans le cadre d’une rénovation des institutions. Il a notamment été placé aux côtés du CES avec lequel il partageait, jusqu’au Traité d’Amsterdam qui l’a supprimée, une structure organisationnelle commune. Cette structure n’apparaissait donc pas conforme à l’identité et à la place institutionnelle du Comité des Régions, notamment au regard politique de ce dernier.

 

Néanmoins, chemin faisant, le Comité des régions accroît ses prérogatives puisqu’il a été élevé au rang d’institution communautaire.

 
Le Traité prévoit que l’Union doit être plus proche du citoyen, ce qui nécessite, à notre avis, une plus grande participation du citoyen au processus décisionnel communautaire. La création du Comité des régions représente ainsi une réponse au problème du déficit démocratique dans l’Union européenne.

 

Mais nous devons aller plus loin et réformer les institutions européennes afin de créer un Etat fédéral européen, avec l’accord des citoyens de l’Union. Cependant, il ne faut plus que les Etats placent les citoyens devant le fait accompli, une fois élaborés les traités. Au contraire, un débat public est indispensable avant de renégocier les traités.

 
Si les membres du Parlement européen sont bien élus par les citoyens des Etats membres, il reste que cette assemblée ne représente que faiblement les diversités territoriales de la Communauté. D’ailleurs, les parlementaires européens sont pour la plupart méconnus du public.

 

Le problème, c’est que les dirigeants européens sont élus sur une base nationale et l’Europe, elle, n’élit personne.

 

Mais le déficit démocratique découle du fonctionnement même des institutions communautaires puisque l’essentiel du pouvoir législatif appartient au Conseil, représenté par les gouvernements nationaux. Le Parlement européen n’est d’ailleurs pas parvenu à incarner une opinion européenne. L’élection du Parlement au suffrage universel n’a pas structuré un champ politique communautaire. De plus il existe un grand décalage entre la représentation et les réalités démographiques. Tout cela entraîne pour l’élu européen un rapport très lointain avec ses mandants, si lointain qu’il n’est pas même pas élu sur des propositions destinées à exercer un pouvoir et que personne ne lui demandera des comptes.

 

L’acceptation diffuse de l’Union par l’opinion publique permet à ses institutions de prendre des décisions très importantes sans qu’elles soient publiquement discutées. Il s’agit là, de la part de l’opinion publique, d’un véritable blanc-seing donné aux institutions communautaires.

 

Il apparaît clairement, qu’au fil des années, tant la Commission que le Parlement européen ont laissé du terrain au profit des Etats membres qui ont gagné du pouvoir. Ce dernier est exercé par le Conseil européen, qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement. La Commission élabore ses propositions de texte à partir des décisions prises au Conseil européen.

 

Même avec l’extension de la procédure de codécision, le déficit démocratique est toujours présent. Il est regrettable que le Parlement n’obtienne pas un véritable droit d’initiative législative. En outre, la question des règles de la procédure électorale uniforme reste entière.

 

Seules des institutions politiques qui donnent le pouvoir au plus grand nombre connaîtront un succès. C’est ce qui explique peut-être le succès politique et économique d’après-guerre. A l’époque, ce projet était vraiment innovateur et fut accueilli avec enthousiasme. Il est indispensable de retrouver des institutions plus démocratiques, capables de gérer les conflits et de favoriser les convergences entre les Etats membres. Il appartient aux citoyens d’être force de proposition.

 

Par conséquent, il faut s’extraire des égoïsmes des Etats et des intérêts particuliers pour dégager des intérêts communs.

 

Pour le moment, le Comité des régions se présente comme le garant du principe de subsidiarité, permettant à la Communauté de concentrer ses actions dans des domaines où elle sera plus efficace que les Etats membres. Mais on peut appliquer le principe « gigogne », selon lequel s’impose une hiérarchie des interventions : le local, le régional, le national et l’européen.

 

Le Parlement européen à lui-même reconnu, en 1993, que l’absence de pouvoirs régionaux dans le cadre du processus de la construction européenne traduit le déficit démocratique dont souffre la Communauté. Il précise même que dans la mesure où le Traité reconnaît le principe de subsidiarité, celui-ci apporte une première réponse à l’intégration des régions et des pouvoirs locaux au processus de construction européenne. Il convient de regarder le principe de subsidiarité comme un moyen d’intégration, pour assurer un consentement large pour le déroulement et l’acceptation du processus européen, afin de rapprocher le niveau de prise de décision des destinataires de l’action communautaire.

 

La participation du Comité des régions permet ainsi de combler un certain déficit démocratique, notamment de contrebalancer la centralisation et l’uniformisation inhérentes à l’intégration européenne.

 

Il existe en toute logique un principe démocratique commun à tous les Etats membres qui établit un droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques.

 

Le Comité des régions est issu de l’idée qu’il faut davantage rapprocher l’Europe des citoyens et des régions. Il faut donc asseoir sa place et ses compétences . C’est indispensable pour prendre en compte les intérêts, les sensibilités et les problèmes de nos régions.

 

Le Comité des régions possède un rôle unique de relais d’opinion envers citoyens des Etats membres. L’Union européenne est une Union entre les peuples et non exclusivement entre les Etats.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire